mercredi 19 mars 2014

Massive Open Online Courses (MOOCs)

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Massive Open Online Courses (MOOCs)

INTRODUCTION

L'université de Genève a annoncé vouloir explorer l'usage des MOOC (Massive Open Online Courses) pour augmenter la visibilité de notre université et découvrir de nouvelles techniques pédagogiques. Quatre cours seront proposés sur la plate-forme Coursera. Bien que les médias couvrent très largement le phénomène MOOC depuis une année, nous avons pensé qu'il était opportun de présenter ce thème lors d'un quart d'heure technologique du comité Bachelor . Le contenu de ce billet été présenté à la séance du 19 février 2013.

QU'EST-CE QUE C'EST QU'UN MOOC ?

Massive: ce terme reflète le nombre d’étudiants inscrits: entre 1'000 et 100'000. Par exemple, 50'000 étudiants s'étaient inscrits au premier MOOC proposé par l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en 2012.
Open: signifie que tout le monde peut s’inscrire gratuitement aux cours proposés. Le degré de difficulté est souvent indiqué, mais il n’y a pas de contrôle sur les connaissances pré-requises. Open signifie aussi, pour certains MOOC, que l’apprenant peut travailler à son rythme, sans contrainte temporelle. Il n’y a pas d’obligation d’aller jusqu’au bout du cours ou de faire tel ou tel exercice.
Online courses: signifie que ces cours sont sur une plate-forme web que l’on accède via un navigateur standard.

HISTORIQUE

Pour comprendre d’où viennent les MOOC, plaçons ce phénomène dans un contexte historique dont voici quelques jalons.
jalons historiques
1850. L’enseignement à un très grand nombre de personnes n’est pas quelque chose de nouveau. Les cours par correspondance existent depuis le milieu du 19ème siècle. Ils se sont particulièrement développés pendant la 2ème guerre mondiale où naissent des centres d’enseignement à distance comme le CNED en France qui va former des millions de personnes. Toutefois, on peut noter que le rapport entre le nombre d’élèves et nombre d’enseignants n’est pas très éloigné de celui d’une classe normale, soit environ 1 enseignant pour 60 étudiants. Ce rapport est très éloigné du rapport 1:10'000 ou plus des MOOCs
2000. Au début de notre siècle on assiste au premier mouvement de partage à grande échelle de documents pédagogiques appelés Open Educational Resources (OER). Ce sont des textes, graphiques, animations, vidéos créés par des enseignants et mis à disposition gratuitement pour l’apprentissage ou leur réutilisation par des enseignants. Ces objets pédagogiques sont disponibles sur des sites de partages spécialement conçus pour cela dont MERLOT est le plus connu. Ce mouvement a été popularisé en 2002 lorsque le Massachussetts Institute of Technology (MIT) décide de mettre à disposition de tout le monde le matériel didactique utilisés dans ses cours, c’est l’initiative Open Courseware.
2011. 10 ans plus tard, on retrouve le même MIT, associé cette fois à l'université de Harvard, pour lancer la plate-forme edX, qui propose des cours entiers que l’on peut suivre gratuitement à distance. Il ne s’agit pas d’enregistrements vidéo de cours donnés dans le cadre d'un enseignement régulier et proposé en 2èmediffusion au monde entier. Non il s’agit de cours totalement repensés pour un enseignement à distance et de qualité. En même temps qu'edX, deux autres acteurs clé lancent leur plate-forme MOOC:
  • Coursera, une compagnie à but lucratif fondée par 2 professeurs de Stanford, et qui est sans doute la compagnie dont on parle le plus car elle a réussi à convaincre plus de 30 universités de renom, dont l'EPFL et l'université de Genève, à proposer des cours gratuits sur leur plate-forme.
  • Udacity est une compagnie à but lucratif fondée par un professeur d’informatique qui vient également de Stanford. Cette compagnie travaille essentiellement avec des professeurs renommés plutôt qu’avec des institutions. Les cours proposés sont essentiellement des cours du domaine informatique.
Le terme MOOC avait été utilisé la première fois 3 ans auparavent par Dave Cormier et Briyan Alexander pour décrire un coursconçu par Georges Siemens et Stephen Downes intitulé "Conectivisme and Connective Knowledge", cours en ligne suivis par un grand nombre de personnes mais dont le concept pédagogique était radicalement différent des MOOC dont on parle aujourd'hui. Pour distinguer ces deux approches, on parle de cMOOC pour ceux inspirés des idées connectivistes et xMOOC pour ceux dont tout le monde parle et dont il sera question dans la suite de ce billet.

QUEL MODÈLE PÉDAGOGIQUE ?

Le modèle pédagogique des 3 xMOOCs est assez similaire et somme toute très classique. Il consiste en une suite de vidéos courtes (2 à 15 minutes) où l’on voit l'enseignant soit en plan rapproché poitrine qui nous parle soit en mode d'écriture sur une tablette où il commente ou complète un schéma ou un exercice. Ces séquences vidéos sont suivies par un exercice et/ou une question formative. Si l'étudiant n'arrive pas à répondre, il peut revoir à loisir les séquences vidéos précédentes jusqu'à ce qu'il maîtrise le concept. La réussite de ces MOOC tient peut-être au bon mélange entre la durée, le nombre et la séquence des vidéos et des exercices.
Le point délicat est sans doute la correction des exercices. Pour les sciences "dures" comme la physique, l’informatique ou les mathématiques, un système d’évaluation automatique est assez facile à mettre en place.
Par contre, pour les cours en sciences humaines où les exercices consistent en des productions écrites ce n’est pas possible d’automatiser la correction. Dans ce cas, l’approche utilisée est celle de l’évaluation par les paires. La recherche en éducation dans ce domaine a, semble-t-il, permis de définir un certains nombre de critères et de pratiques qui, s’ils sont mis en place et enseignés, permettent une évaluation par les paires plus ou moins fiable. Bien que cette méthode soit connue depuis longtemps, son utilisation à large échelle peut être problématique.
vote system
Ces plateformes disposent également de forums de discussion qui permettent aux apprenants de poser des questions et d’y répondre. Un système de vote permet aux apprenants d’indiquer si une contribution dans le forum est particulièrement pertinente ou pas. Ainsi les étudiants peuvent rapidement aller vers les interventions particulièrement appréciées.
Suivant la plate-forme MOOC, le cours peut être suivi à son propre rythme (Udacity) ou doit être fait dans un temps déterminé (typiquement 5 à 7 semaines).
Certaines universités utilisent ces MOOCs pour leurs propres étudiants et proposent des activités en classe supplémentaires (travaux pratiques, séances de questions/réponses avec un système de vote).

COMMENT CES COURS SONT-ILS PRODUITS ?

studio EPFL
studio de production à l'EPFL (P. Jermann)
La production de ces cours est assez lourde et nécessite la mise en place d’un studio de production ou, au minimum, d'une aide technique de départ.
Ainsi, les premières expériences faites à l'EPFLmontrent que pour une heure de vidéo diffusée, il faut compter entre 4 et 10h d’enregistrement et ensuite encore 2 à 10h de travail de post-production. Pour le suivi du cours il fallait compter environ 2 jours par semaine pour répondre aux questions du forum et 1 jour par semaine pour les activités en classe proposées aux étudiants de l'EPFL. A cela, il faut ajouter le temps pour la création des excercices et le développement du système de correction automatique. Finalement, les cours doivent être déposé sur l'une des plate-forme MOOC.
L'université de Duke a rédigé un rapport très complet à propos de son premier cours de type MOOC. On y lit qu'il a fallu environ 600 heures d'efforts, dont 11 heures de vidéo qu'il a fallu séquencer en 12 vidéos par semaines pour un cours qui a duré 8 semaines.
Le Coursera Resource Guide rédigé par l'université Vanderbilt à l'intention de ses enseignants est une excellente introduction pour toute personne intéressée à se lancer dans l'aventure.

QUELS CREDITS ?

En principe, les universités qui proposent des cours de type MOOC ne fournissent que des attestations de participation aux personnes ayant suivi et participé à l'examen final. Pour leur propres étudiants, les institutions ayant produit le cours, ou celles l'ayant recommandé à leur étudiants, organisent leurs propres examens dont la réussite conduit à l'obtention de crédits reconnus de type ECTS.
Toutefois, l'un des modèles économique des compagnies à but lucratif comme Udacity ou Coursera est de faire payer l’étudiant pour passer l’examen et lui fournir des crédits reconnus. Le problème est de s’assurer que la personne qui passe l’examen est bien celle qu’elle prétend être. Pour ce faire, deux solutions:
  • demander à l’utilisateur de se rendre dans un centre d’évaluation dans lequel il doit s’identifier et où il est surveillé pendant l’examen
  • récemment, Coursera a annoncé avoir développé un système d’analyse dactylographique, un peu comme une analyse graphologique, qui permet d’identifier quelqu’un en analysant le rythme avec lequel il tape un texte défini à l’avance.

VERS UN CHANGEMENT DE PARADIGME ?

Dans son article "The MOOC Model: challenging traditional education", James G. Mazoue entrevoit un changement profond dans le monde de l'enseignement traditionnel (qu'il nomme ironiquement "brick-and-mortar institutions" ou "land-based education" par rapport au "cloud-based education")
Pour le moment, aucun cursus entier n’est proposé sur ces plate-formes. Seuls des cours isolés sont proposés et en général ils sont d’un niveau d'introduction dans une matière. Toutefois, le fait que certaines universités acceptent maintenant les certificats obtenus en suivant un MOOC montre que le jour où un cursus entier pourra être suivi à distance et validé n’est pas très loin. Cela peut modifier complètement le modèle de l’enseignement institutionnel. En Europe où les universités sont étatiques et où les frais d’écolage sont peu élevés, cette perspective ne toucherait qu’un petit nombre d’étudiants. Par contre dans d’autres pays comme aux Etats-Unis où les frais d’écolage sont très élevés, on peut s’imaginer qu’il y aura 2 types d’étudiants: les moins fortunés qui suivront un cursus MOOC et ne paieraient que pour passer les examens, et les plus fortunés qui continueront d’aller dans les collèges et universités privées où des services supplémentaires sont fournis et qui sont aussi le lieu pour tisser des relations sociales.
Le monde de l’économie critique souvent l’université parce qu’elle forme des personnes inemployables, qui n’ont acquis que des connaissances théoriques souvent disparates. Un des objectifs de la plate-forme Udacity est de proposer des cours orientés vers la pratique qui permet d’acquérir des compétences, un savoir faire à la fin du cours. Dans cette perspective on peut s’imaginer que des entreprises engageraient plus facilement des personnes ayant une liste de compétences acquises en suivant des MOOCs plutôt que des personnes ayant un bachelor dont on ne connaît pas très bien le contenu. Ceci d'autant plus, qu'avec l'accord du participant au MOOC, des données telles que la sociabilité de l'étudiant dans le forum ou ses performances aux questions du cours peuvent être vendues aux entreprises à la recherche de la perle rare.
A la fin des années 90 on prédisait que le e-learning allait révolutionner l’enseignement, mais cela ne s'est pas avéré car ni les institutions ni la technologie n'étaient prêtes. Avec les MOOC, la qualité est bonne, la technologie web est robuste, les apprenants sont au rendez-vous. Est-ce que les institutions sauront aller au-delà de l'effet marketing, sauront encourager et reconnaître l'innovation pédagogique ?

RÉFÉRENCES

MISES À JOUR

  • [14 mars 2013] Waldrop, M.M (2013) Campus 2.0. Nature, 495, 160-63 [page web accédée le 14 mars 2013, accès restreint aux abonnés]
    Cet article relate l'histoire récente des xMOOCs. Il relève que l'analyse des logs (enregistrement de toutes les actions des apprenants sur un MOOC) ouvre la voie à un nouveau champ d'investigation baptisé "learning informatics (the big-data science for education)", l'objectif académique étant de mieux comprendre ce qui facilite l'apprentissage.
  • [25 avril] Daniel, J.(2012) Making Sense of MOOCs: Musings in a Maze of Myth, Paradox and Possibility. Journal of Interactive Media in Education. [accès libre]
    Cet article, rédigé par l'ancien président de la Open University, décrit la courte histoire des MOOCs et les place dans le contexte plus globale de l'enseignement à distance et des technologies éducatives. Il analyse les mythes et paradoxes autour des MOOC et termine sur une note plutôt optimiste en citant un certain nombre de forces qui pourraient améliorer la qualité de l'enseignement universitaire.
  • [30 mai 2013] Georgia Tech utilise la plate-forme Udacity pour proposer un master en informatiqueentièrement en ligne pour $7000.
  • [2 juillet 2013Le site web dédié aux MOOCs de l'université de Genève.
4 mars 2013

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